État des lieux en matière d’intendance

Les représentants du secteur de la conservation des terres privées qui ont exprimé leurs points de vue sur des questions clés liées aux capacités d’intendance et au financement, y compris les fonds de dotation, sont issus d’un vaste réseau d’organismes. On y trouve autant des groupes gérés par des bénévoles que des œuvres de bienfaisance d’envergure dont les terres en fief simple et celles visées par des accords de conservation valent des centaines de millions de dollars. La plupart des organismes de conservation des terres privées gèrent une combinaison de terres en fief simple et assujetties à des conventions ou servitudes de conservation. Certains ont décidé de se concentrer sur les terres en fief simple, tandis que d’autres misent principalement ou exclusivement sur les accords de conservation. On a constaté une grande cohérence entre les commentaires des organismes de conservation des terres privées qui ont participé aux consultations, soit par écrit ou dans le cadre d’une entrevue.

Dans le cas des terres en fief simple, les organismes de conservation des terres privées assurent inévitablement une intendance active et directe des terres en question. Parmi leurs activités d’intendance de base, on peut citer les suivantes :

  • La protection, le maintien et la restauration des habitats existants;
  • Le contrôle des espèces envahissantes;
  • La surveillance des intrusions et des limites de la propriété;
  • La sensibilisation de la communauté et le maintien de relations amicales avec les propriétaires fonciers voisins;
  • Le suivi des changements d’affectation potentiels des terres avoisinantes;
  • L’atténuation de l’impact anthropique sur les sentiers et les infrastructures bâties accessibles au public.

Lors des consultations avec les organismes détenteurs de titres sur des terres de conservation privées, nous avons appris que le travail des organismes de conservation des terres privées de toutes tailles va bien au-delà de l’acquisition et de l’intendance : leurs programmes prévoient diverses activités telles que l’éducation du public, la mobilisation communautaire et bénévole, la recherche scientifique, la propagation de plantes indigènes, l’entretien des sentiers et des installations, et la consultation des Autochtones. Ces activités connexes servent un objectif louable, mais les organismes de conservation des terres privées risquent d’éprouver de la difficulté à élargir leurs activités de financement pour soutenir de telles activités tout en octroyant suffisamment de fonds à la gestion efficace de leurs terres de conservation. Chaque année, les organismes de conservation des terres privées doivent déployer des efforts pour l’acquisition et l’intendance des terres tout en soutenant ces autres activités.

De nombreux organismes ont souligné que les fonds pour l’acquisition de terres et la signature d’accords de conservation sont plus faciles à obtenir que ceux dédiés exclusivement à l’intendance.

 Quant aux accords de conservation, des activités d’intendance de base sont menées afin de garantir que les deux parties en respectent les modalités. Ces activités consistent principalement à :

  • gérer et renforcer la relation avec le propriétaire foncier grâce à un contact direct;
  • établir un suivi et des rapports réguliers pour s’assurer que le propriétaire respecte ses engagements;
  • effectuer des vérifications sur place, par survol aérien ou par d’autres moyens.

Afin de garantir des résultats sur leurs terres visées par un accord de conservation, les organismes de conservation des terres privées comptent principalement sur la bonne volonté du propriétaire foncier pour maintenir ou améliorer le patrimoine naturel de leur site conformément aux modalités de l’accord de conservation. Les organismes ont indiqué que les transferts de propriété représentent un défi majeur. En général, ils se disaient plus assurés que le propriétaire initial respectera les obligations dans l’accord de conservation en raison du lien de confiance qui s’est développé durant le processus d’élaboration et de négociation de l’accord. Lorsqu’une terre change de main, les organismes de conservation des terres privées anticipent qu’il faudra augmenter la fréquence des contacts avec le nouveau propriétaire foncier afin que celui-ci comprenne parfaitement l’intention et les obligations de l’accord de conservation.

Ces échanges aident le nouveau propriétaire à se doter d’une approche de gestion de la terre qui est conforme aux exigences de l’accord de conservation.

Parmi les organismes de conservation des terres privées, 59 % ne comptent aucun effectif à temps plein et 24 % emploient entre une et six personnes. Autrement dit, près de 85 % des organismes du secteur doivent fonctionner avec des ressources humaines limitées ou inexistantes[18]. Selon les consultations menées, les organismes manquent souvent de capacités pour :

  • collecter les données sur les propriétés et en assurer la surveillance;
  • organiser régulièrement des rencontres avec les propriétaires fonciers et rédiger des comptes rendus (sur une base annuelle à triennale);
  • faire le suivi des ventes de terres et des transferts de titres fonciers;
  • outiller ou former les propriétaires fonciers sur les pratiques exemplaires de gestion des terres;
  • investir du temps pour maintenir le contact avec les propriétaires;
  • élaborer des plans de gestion à long terme pour chaque propriété;
  • mettre en place des politiques internes et assurer la gestion financière pour les activités et dépenses d’intendance;
  • tisser des liens avec les communautés autochtones;
  • maintenir de bonnes relations avec les propriétaires voisins;
  • recourir à des experts lorsque cela est nécessaire;
  • investir une quantité de temps pour les demandes de financement et de subventions auprès de multiples bailleurs de fonds afin de répondre aux besoins budgétaires.

En général, les organismes de conservation des terres privées ont recours à un ensemble de tactiques pour financer leurs activités : cotisations des membres, appels de dons mensuels et ponctuels, rédaction de demandes de financement, commandites d’entreprises, dons planifiés, revenus de placement, vente de produits et mobilisation de bénévoles. Ces organismes comblent leurs lacunes de personnel principalement par des subventions salariales à court terme financées par des tiers ou des gouvernements, par exemple avec Emploi Été Canada. Ils comptent également sur leur réseau de partenaires et de bénévoles. Les membres du conseil d’administration assument parfois des fonctions clés dans les activités d’un organisme de conservation des terres privées, y compris la recherche deinancement, la gestion des propriétés, la sensibilisation des propriétaires, la mobilisation communautaire, la surveillance des placements et la défense juridique.

Cela est particulièrement le cas pour les organismes ayant peu ou pas de personnel. Sans la participation active de nombreux bénévoles dévoués à leurs activités courantes, les organismes de conservation des terres privées verraient leur influence considérablement diminuer, et leur pérennité serait mise en jeu.

Tous les organismes ont déclaré avoir entrepris des activités d’intendance pour leurs terres et leurs accords de conservation. Cependant, leurs budgets affectés à l’intendance sont insuffisants, ce qui fait en sorte qu’ils ratent des occasions pour accroître les avantages de leurs terres de conservation privées. Les fonds disponibles sont consacrés en priorité aux obligations essentielles et aux efforts d’intendance « de base » – selon l’un des organismes participants, il s’agit des activités vitales pour maintenir l’image et la réputation. Cet organisme considère qu’une impression publique positive doit passer par la continuité des activités et le respect des exigences « de base » pour les propriétaires fonciers, telles que le paiement des impôts et des primes d’assurances, l’inspection des terrains, le respect des engagements envers le public, les donateurs et les sympathisants, la gestion des actifs liés à l’expérience des visiteurs (voies d’accès, sentiers, aires de stationnement, etc.) et tout autre besoin ou exigence fondamentaux. Le financement destiné à ces activités essentielles provient des flux de revenus, y compris les initiatives annuelles de collecte de fonds, et/ou des réserves budgétaires ou des fonds de dotation de l’établissement. Néanmoins, même si les organismes semblent pouvoir répondre à leurs besoins de base, ils ne réussissent pas toujours à entreprendre d’autres activités d’intendance vitales comme le maintien et la restauration des habitats ou l’élimination des espèces envahissantes.

 

Difficultés de financement
« L’intendance continue n’est pas considérée sur le
même pied que l’acquisition. »
« Les bailleurs de fonds manquent de
constance d’une année à l’autre ou changent
de secteur d’intérêt, tandis que les organismes
de conservation des terres privées ont un
engagement perpétuel envers leur mission
fondamentale. »
« Dans le milieu de la conservation, la gestion
des défis liés à l’intendance et aux changements
climatiques, comme l’élimination des espèces
envahissantes, devient de plus en plus coûteuse
et ne règle pas le problème. Il faut investir dans
des solutions. »
« Une augmentation du nombre d’hectares
protégés se traduit par une augmentation des
responsabilités et des coûts de gestion de la
propriété. »

[18] Selon les données de 2018 fournies par l’Agence du revenu du Canada